claudius & iokanaan : moi et l'autre

par Cyprien Lebrun

claudius & iokanaan nous invitent à écouter et voir la dramaturgie de chansons brèves. Sur scène, iokanaan au piano, claudius au chant.

Devant la sobriété des moyens musicaux mis en oeuvre – piano-chant, traversé parfois d'effets sonores et électroniques – se concentre immédiatement une connivence dense, profonde entre musique et parole.

La chanson Le Contentement qui ouvre le concert présente un manifeste de ce choix des deux musiciens. Le piano évoque le lyrisme d'Erik Satie, un dénuement musical, l'expression intime d'une solitude silencieuse, d'un calme des banlieues comme il a été dit.

Le texte, sur un air de fausse désinvolture, annonce « le goût du drame » : une fiction qui naît de la contemplation du quotidien et qui devient par la voix chuchotée du chanteur une émotion pour le spectateur. Alors le piano de iokanaan accompagne tantôt délicatement tantôt sournoisement mais toujours avec malice, les confidences au micro de claudius  - avec un toucher sensible aux différentes émotions que traverse ce chant presque parlé.

Au commencement, il y a donc les chansons de claudius , qu'il compose et arrange dans la solitude, à partir de sons électroniques et d'autres samples mêlés de guitares ; pour des musiques qui se voudraient faire des comptines cotonneuses et rageuses, de chants d'amour en lutte, de chants de lutte aimant.

Iokanaan est un complice de longue date, compositeur de formation musicologique, particulièrement intéressé par les expériences « transversales », entre musiques dites savantes et musiques dites populaires dont il se nourrit sans discrimination. Ce sont, selon lui, des frontières qu'il faut passer comme en fraude pour toucher à une vérité musicale. C'est au sein du groupe Chimère dont il est compositeur qu'il rencontre claudius, alors guitariste. Suite à diverses collaborations, iokanaan lui propose d'apporter sa sensibilité et réarrange le présent répertoire qui comprend déjà plus d'une vingtaine de chansons originales.

Si l'atmosphère des chansons est souvent assez mélancolique, l'ironie, la drôlerie voire la pitrerie de cabaret donnent souvent le sourire et même le rire aux éclats.

S'il y a un grand thème dans le répertoire de claudius & iokanaan , c'est bien l'Amour. Ils parlent d'espoir sentimental, d'amours fragiles, d'amours blessées, délaissées, d'amours qui ont fini un matin, de dépit, de ruptures non-consommées, de séparations, de survie, de libertinage qui ne peux suffire à oublier, d'un amour qui ne peut plus suffire à l'autre. Il n'est pas question de la séduction impeccable et sexy, ni d'un amour qui s'autocélèbre. Ils touchent à une première maturité de nous autres modernes qui trouvons une transfiguration de la vie dans l'amour, qui avons tous une déception et un espoir secret à cet endroit.

 

« sur le fleuve sans souci

on sourit on dit oui

et les amitiés se fondent

 

mais au fond on oublie,

tarentelles et bougies

prennent l'eau et s'effondrent.

 

et si c'est possible,

j'aimerais ricocher

jusqu'à l'autre rive,

et recommencer

 

et si c'est possible... »